L’invention des corps – Pierre Ducrozet

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Pierre Ducrozet nous interpelle sur notre rapport au corps, le rôle d’internet et des réseaux qui relient le monde, et, la place du corps dans la société actuelle et dans celle qui se dessine pour demain. Ne craignez rien : il ne s’agit ni d’une étude médico-scientifique, ni d’un traité sur l’histoire des réseaux sociaux ! Un roman dense, haletant, sur les possibles, sur tous les possibles, qui questionne, ouvre des horizons, nous fait naviguer dans le temps, en mêlant histoire, sciences, internet, transhumanisme mais aussi une certaine forme d’humanisme. Un vrai roman contemporain.
L’auteur part d’un fait historique réel : le massacre de 43 étudiants mexicains à Iguala, au sud du Mexique, le 24 septembre 2014. Le personnage principal, Alvaro, échappe à la mort mais en sort traumatisé dans sa chair et dans son esprit. Il s’enfuit alors pour les Etats-Unis, où il va découvrir la Sillicon Valley, pensant pouvoir y mettre à profit ses qualités d’informaticien. Chaque personnage aura un rapport singulier mais difficile au corps. Au corps qui ne doit pas mourir, pour Parker Hayes, milliardaire. Au corps qui a tant souffert qu’il n’a plus de valeur pour Alvaro, au point de devenir le cobaye d’une expérience transhumaniste. Au corps comme objet d’expérience pour Adèle Cara, biologiste spécialisée en génétique, qu’embauche Parker. Au corps comme question d’identité pour Lin Dai, informaticien(ne). Enfin Werner Fehrenbach, informaticien sur la force de l’âge, est probablement celui qui a le plus de recul par rapport au sujet. Non non, tout n’est pas sombre dans ce livre : la vie reste bien présente tout au long du récit, le corps est en mouvement, on peut même par moment parler de résilience mais je ne vous dévoilerai pas tout !
La relation au corps est également très liée à l’utilisation qui peut en être faite par la science, les technologies modernes et les réseaux sociaux, présentés comme un rhizome, un corps araignée… tantôt libérateur tantôt prédateur du corps humain, censés nous aider à apprivoiser, voire repousser, les limites de la mort. Le sujet est donc ambitieux, mêlant questions sociales, techniques et morales.
L’écriture est maîtrisée, documentée. Le style est tour à tour saccadé ou plus lent au gré de l’action, tantôt classique tantôt empruntant au vocabulaire internet, un style exigeant tout en étant très agréable à lire. Un livre a recommander et qui m’a donné envie de davantage découvrir cet auteur !

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